La philosophie nous est présentée par de nombreux philosophes comme une science. Chez Descartes, elle est même considérée comme la base de toutes les sciences, la discipline la plus ultime. Aussi ce texte de Russell nous dit que « la valeur de la philosophie doit être cherchée pour une bonne raison dans son incertitude même », le fait qu’elle ne puisse pas nous donner des réponses exactes et définitives comme c’est le cas des mathématiques. Cette affirmation pourrait être considérée comme contradictoire avec l’idée que la philosophie soit une science elle même, du fait qu’une discipline, qui se veut rationelle, puisse tirer sa valeur du fait qu’elle est incertaine. Comment comprendre donc ce paradoxe, sous la plume de quelqu’un qui est pourtant lui-même considéré comme un grand philosophe et logicien ? C’est qu’il ne s’agit pas ici d’une critique mais plutôt d’une réflexion qui vise à expliquer la spécificité du discours philosophique. On proposera une explication linéaire du texte en le décomposant en trois principaux moments.
On verra dans un premier temps comment Russell caractérise la vie d’un individu qui vit sans philosophie, et comment sa vision du monde est raccourcie à ses propres convictions.
Dans un second temps, on s’attaquera à la façon dont l’auteur caractérise en quoi consiste la valeur unique de la philosophie.
Finalement, dans une troisième partie, on analysera quels sont les bénéfices que Russell montre qu’on peut tirer en exerçant une vie philosophique active, c’est à dire ce qu’elle apporte à l’être humain.
Le texte de Russell nous présente au début quelles sont les conséquences pour un individu de vivre sans l’apport de la philosophie. L’auteur nous dit que vivre sans philosophie, c’est vivre avec notre sens commun, nos croyances issues de notre temps et notre pays, et nos convictions personnelles.
Platon et Aristote, pères de la philosophie, nous disent que toute pensée philosophique commence par l’étonnement. Du fait qu’on s’intérroge sur la chose la plus banale même, on fait donc de la philosophie. Donc Russell veut nous dire que vivre sans s’étonner, sans se questionner à propos de ce qui nous entoure, équivaut à croire tout ce qui nous vient du sens commun, idées qu’il qualifie de « préjugés » et que selon lui nous « emprissonent » comme si nous étions des victimes, mais aussi aux « croyances habituelles à son temps et à son pays ».
Russell veut ainsi nous faire voire qu’il ne faut pas croire aux choses sans s’y demander. Peut être ce que l’on voit d’une façon peut être en réalité une autre chose, et nous la voyons d’une telle façon à cause de nos sens. De cette façon, nous serions des victimes de nos sens, de ce que l’on peut voir et sentir, de ce qui vient de notre sens commun
L’auteur assosie aussi cette idée de vivre sans philosophie avec les convictions issues « sans la coopération ni le consentement de la raison ». Il introduit de cette façon une notion essentielle dans toute pensée philosophique que c’est l’usage de la raison.
Il serait intéressant d’abord de définir ce que c’est la raison. D'abord, dans n'importe quel bon dictionnaire on nous dira que la raison, c'est la faculté ou la capacité humaine permettant à l'homme de saisir, de comprendre, de déduire, des relations entre des idées et ainsi de connaître la vérité. En ce sens, la raison est distincte de l'imagination, de l'effectivité (des émotions et des désirs), de l'intuition, de la foi religieuse, de l'instinct et finalement, de l'expérience. On a fait de la raison le trait distinct de l'être humain.
Aristote, l'élève de Platon, définit l'être humain comme un être raisonnable; la raison, c'est ce qui distingue l'homme de l'animal. L'animal ne raisonne pas; il est guidé par ses instincts. L'homme est capable de raisonner. C’est donc porquoi l’homme est invité à utiliser sa raison : c’est dans son essence même.
Un individu qui vit hors l’usage de la philosophie, hors de s’intérroger, nous explique Russell, vit sans utiliser sa raison, ce qui revient à dire qu’il vit dehors de son essence même.
Finalement, l’auteur nous explique que vivre sans philosophie restreint notre vision sur le monde. Tout nous paraîtrait normal, « évident » comme dit Russell, et de cette façon tout ce qui ne serait ni normal, ni accord à notre sens commun, serait radicalement rejetée, du fait du manque de questionnement sur les choses. On ne serait pas ouvert à de nouvelles idées, de nouvelles pensées, de nouveaux esprits.
C’est après avoir caractériser ce que c’est la vie d’un individu non philosophe que Russell s’attaque au sujet central de ce texte : la valeur de la philosophie. Ayant déjà établit les limitations d’un individu qui vie sans philosophie, la partie centrale de ce texte, va essayer de définir qu’est que cette valeur qui lui donne un caractère unique à la philosophie.
L’auteur va commencer par nous signaler quel est le degré de profondeur de l’intérrogation philosophique. Il parle des « choses les plus ordinaires », c’est à dire que même une table, un arbre, une roche ou encore un être humain. La philosophie donc aborde tout ce qui peut être envisageable. L’auteur nous dit qu’en faisant de la philosophie, même ces choses, le plus banales qu’elles soient, vont forcément nous conduire à des problèmes, à des intérrogations auxquelles nous donneront des réponses. Réponses qui ne seront pas du tout complètes, dans le cas où nous pourrions même y envisager un type de réponse.
C’est ce qu’explique le philosophe Karl Jaspers dans son oeuvre « La philosophie » où lorsqu’au tout début de son livre il essaie de définir ce que c’est la philosophie, il explique que « la philosophie manque absolument de résultats universellement valides et susceptibles d’être connus et possédés. » Il affirme que tout ce qui a été accepté n’est plus philosophique, et rentre dans le champ de la connaissance scientifique.
Alors on peut se demander quel est l’intérêt d’une discipline qui n’apporte aucune réponse définitive aux questions auxquelles elle est subie ? Pourquoi faisons-nous donc de la philosophie, si elle ne nous donne rien de définitif ? Pourquoi étudier quelque chose qui va augmenter notre doute ?
C’est ce qui va expliquer Russell tout de suite. En admettant qu’elle n’apporte ni auncune réponse exacte ni aucune certitude, il nous présente un point de vue différent sur la valeur de ces incertitudes. Il nous dit que la philosophie ne va pas augmenter nos certitudes sur ce que les choses sont, comme le font les sciences telles que la physique ou les mathématiques, mais elle peut poser nouvelles possibilités, et de cette façon, élargir notre champ de pensée.
En effet, un individu non philosophe ne se préocupera pas par sa liberté car il ne se demandera même pas s’il est libre, car il se croit ainsi. Mais un philosophe pourra contrairement s’intérroger sur ce que la liberté est, s’il est vraiment libre ou soumis à quelque chose qui fasse qu’il soit comme il l’est.
Un philosophe peut présenter nouvelles visions qu’un non philosophe ne connaîtra jamais. C’est ce qui explique Russell quand il dit que la philosophie nous « délivre de la tyrannie de la coutume ». Ici l’auteur parle de la « tyrannie de la coutume », laissant entendre que ce manque d’étonnement, cette coutume, équivaut pour lui à une tyrannie, le régime politique où il y a le moins de libertés.
Ceci nous fait comprendre que vivre sans philosophie est aussi perdre une partie de notre liberté, ou sinon bien toute notre liberté.
La dernière partie du texte va nous parler à propos des bénéfices que nous apporte la philosophie, c’est à dire cet questionnement à propos des choses les plus familières, les plus banales.
Russell, pour présenter son gain, admet que la philosophie diminue nos certitudes à propos de ce que les choses sont. Mais tout en réduisant ces certitudes, il nous dit qu’elle « augmente beaucoup notre connaissances à l’égard de ce qu’elles peuvent être. »
C’est à dire que la valeur de la philosophie, ce manque de réponses concrètes aux problèmes auxquels elle s’affronte, permet de diversifier notre vision sur tout ce qui nous entoure.
En effet, à l’époque de l’Antiquité Grecque, les religieux disaient que les phénomènes naturels étaient l’expression des Dieux. Les tempêtes marines, par exemple, seraient l’expression de la colère du Dieu de la Mer, Poséidon. Mais un philosophe, Épicure, envisage lidée que les choses sont autrement. Il affirme que les Dieux n’existaient pas, que la Terre est uniquement composée par de la matière. Cet exemple illustre l’idée que la philosophie, diminuant des certitudes sur ce que l’explication des phénomènes naturels était, à permis d’élargir notre pensée en envisageant une nouvelle possibilité, qui finalement la science pu démontrer des siècles plus tard. Les philosophes ont donc prouvé que le fait de remettre en question les choses les plus familières permettent d’enrichir notre champ de connaissance.
Russell veux nous montrer que ce qui est admis par la société n’est pas forcément vrai. C’est ainsi qu’il parle du « dogmatisme quelque peu arrogant » en parlant de ce qu’il avait décrit quelques lignes plus haut comme nos « certitudes à l’égard de ce que sont les choses ». L’auteur veux nous montrer que ce que l’on croit vrai en réalité ne l’est pas, et qu’ on doit envisager les choses d’une autre manière qu’on les croît. Il faut douter de tout ce qui nous est dit et tout ce que l’on voit.
C’est ce que Russell décrit comme le « doute libérateur », ce doute qui va nous livrer de nos croyances traditionnelles.
Finalement, l’auteur du texte va nous dire que faire de la philosophie c’est « montrer les choses familières sous un aspect non familier ». Il résume donc dans les derniers mots du texte ce que c’est la philosophie. En effet, cette définition paraît en accord avec le reste du texte, car pouvoir envisager les choses d’une autre façon qu’on les croît, revient à imaginer ce qui paraît familier d’une manière différente .
En conclusion, Russell nous a dit que ce qui rend unique la philosophie c’est son incertitude, une science qui se veut incertaine et inexacte. Ce paradoxe est expliqué par l’auteur par le moyen de dire que ces incertitudes sont celles qui aident à élargir notre pensée et à imaginer d’autres réalités possibles. L’auteur nous fait penser que ce qui est certain n’est pas forcément vrai. Il est donc nécéssaire de pouvoir se libérer de ces préjugés par le moyen de la raison. De cette façon, il nous présente les incertitudes comme quelque chose de bon, qui va nous aider à envisager les réponses et en fin à construire l’histoire de l’humanité.
En coséquence, ce texte de Russell décalifie beaucoup tout ce qui revient à la certitude, les choses que l’on est sûr qu’elles sont vraies. Mais que faire donc avec les sciences exactes, telles les mathématiques, qui nous apportent des réponses prouvées et démontrées ?
L’homme peut être sûr que deux et deux font quatre, et que huit divisé quatre font deux. Vaut-il la peine de s’en douter de ce type de certitudes ? On devra donc faire une acclaration sur ce que Russell explique dans son texte. Il vaudra mieux dire que ce doute libérateur devra être exclut des sciences exactes qui nous apportent des réponses certaines aux questions qu’on lui pose. De cette façon on pourra être sûr que deux et deux feront toujours quatre.
Mais encore, faut il être sûr de cette affirmation ? Est-ce que les sciences exactes apportent toujours des réponses exactes ? C’est qu’en réalité les sciences dites exactes ont cru vrai ce qu’en réalité ne l’était pas. En effet, la géométrie non-euclidienne, apparue vers le XIXè siècle, a bouleversé les croyances de l’époque, montrant que d’autres types de géométries différentes de celle d’Euclides étaient possibles. A la fin, le doute libérateur que présente l’auteur peut même vaincre les sciences exactes.
Finalement, peut-être si ce que Russell dit est vrai, on pourrait douter des bases de nos connaissances. Dans un monde où pour nous déplacer on brûle des combustibles, est-ce qu’en envisageant que deux et deux ne font pas toujours quatre on pourrait arriver à de nouvelles connaissances qui étaient impossibles à imaginer ?