On associe couramment le concept de vérité à quelque chose qui serait unique et universel et donc, par conséquent intemporel. Cependant ce qui est vrai ne peut pas l’être de tous temps et en tous lieux, ce qui reviendrait à adopter une position dogmatique. Par ailleurs, penser que les façons de voir et d’expliquer la réalité peuvent évoluer au cours du temps peut conduire au relativisme sceptique. Alors, la vérité est-elle soumise au temps ? Cette question nous confronte au problème suivant : Dispose-t-on de vérité absolue ou seulement de vérités provisoires? Tout l’enjeu de ce devoir consistera à montrer que la vérité par définition ne peut pas évoluer au cours du temps, mais que seule la recherche de la vérité est tributaire du temps.
Nous verrons, dans un premier temps que certaines vérités peuvent nous apparaître comme soumises au temps mais nous verrons dans un deuxième temps que si les vérités évoluent avec le temps c’est qu’il ne s’agissait pas de vérités. Enfin, nous verrons que la recherche de la vérité est soumise au temps, au sens où le temps est nécessaire à la recherche de la vérité.
Si la vérité est soumise au temps cela signifie qu’elle dépend de lui, qu’elle est tributaire de lui. Par conséquent, elle peut évoluer, varier, elle a une histoire, elle subit des révolutions et des transformations. En effet, il arrive souvent que des mœurs ou des modes de penser largement répandus dans une société à une époque donnée et considérés comme des vérités se révèlent erronés.
L’histoire des sciences nous montre une vérité en perpétuelle modification, ainsi les vérités d’aujourd’hui sont les erreurs de demain et chaque époque à sa propre vérité.
On peut prendre pour exemple l’évolution de la conception du système solaire et de l’univers, les hommes ont d’abord penser que la terre était plate, puis lorsqu’ils ont découvert qu’elle était ronde ils ont longtemps tenu pour vrai que la Terre était au centre de l’univers, Copernic quant à lui tenait pour vrai que c’était le soleil qui s’y trouvait. Nous pensons aujourd’hui que le soleil n’est qu’au centre d’un système qui n’est pas au centre de l’univers.
Dans le champ de la science, la pensée instaure un rapport distancié au réel, lorsqu’elle problématise le réel, la science peut produire grâce à des procédures bien définies des théories, des réponses exactes au problème posé. Lorsqu’une hypothèse surmonte l’épreuve de la réfutation elle accède au statut de théorie scientifique, elle s’inscrit alors dans les savoirs qu’une époque reconnaît comme vrais. Mais on ne peut considérer aucune théorie scientifique comme définitive et irréfutable, car il peut toujours advenir qu’un esprit très puissant les fasse un jour voler en éclats : l’histoire de la science est riche en exemples qui en témoignent. Alors que l’on pensait que la mécanique de Newton était définitive, on s’est aperçu, avec les découvertes de la relativité et de la mécanique quantique, qu’elle ne valait pas pour l’infiniment grand ou l’infiniment petit. Aucune vérité scientifique n’est donc à l’abri d’une hypothèse géniale qui la fera voler en éclats, les vérités relatives à la science peuvent donc évoluer au cours du temps.
« Il a fallut tout un changement d’échelle, le déploiement de tout un nouveau plan d’objets dans la biologie pour que Mendel entre dans le vrai et que ses propositions alors apparaissent (pour une bonnes part) exactes » ce sont les propos de Foucault lorsqu’il développe l’exemple de Mendel, il montre ici qu’il faut parfois un certain temps pour qu’une hypothèse soit reconnue comme vraie, en ce sens également on peut considérer que la vérité est tributaire du temps.
Tout le problème est alors de savoir si on peut encore parler de vérité, partant du principe qu’il existe des « révolutions scientifiques » dans lesquelles d’anciens systèmes sont balayés par de nouveaux, quelle valeur donner à la vérité ? Faut-il distinguer différents types de vérités : des vérités qui résistent au temps et des vérités plus fragiles ou la vérité exige-t-elle de ne pas dépendre du temps : d’être de tout temps ?
La vérité rend compte du rapport de la pensée à la réalité, il y a donc une vérité si l’esprit parvient à se représenter la réalité telle qu’elle est. La vérité se distingue de la réalité au sens où elle concerne un jugement : [cette fleur est rose ] le jugement peut être vrai ou faux, la réalité au contraire concerne l’objet : [la fleur] qui peut exister ou pas
La vérité s’oppose donc à l’erreur car il n’y a qu’une seule vérité pour une réalité. La vérité ou la fausseté qualifie non pas l’objet mais la valeur de ma proposition
Si la fleur existe, il n’y a qu’une seule vérité concernant sa couleur, si elle n’existe pas il n‘y a pas de vérité et si elle change de couleur, il s’agit d’une nouvelle réalité qui donnera lieu à une nouvelle vérité.
La vérité étant en adéquation avec la réalité elle est nécessairement unique, universelle et objective. S’il est vrai que ni la terre ni le soleil ne sont au centre de l’univers, il n’a jamais été vrai qu’ils s’y trouvaient par contre il est vrai, était vrai et il restera vrai que la terre n’est pas plate.
Si quelque chose que je tenais pour vrai ne l’est plus c’est que je n’avais pas affaire à la vérité, et que donc mon jugement de la réalité était erroné.
La vérité est donc immuable, on aurait tort de penser qu’elle est soumise au temps.
Par manque de recul, on prend comme vérité les vérités reconnues à notre époque.
On peut distinguer deux types de vérités, les vérités absolues qui une fois établies sont vraies et le demeurent pour Descartes la seule vérité universelle est le cogito : lorsque je doute de tout la seule chose dont je suis sur c’est que je doute donc que je suis pourvu du logos et que j’existe. Mais il existe d’autres vérités que l’on peut considérer comme absolues, les vérités démontrables et indépendantes de la nature, comme les théorèmes de géométrie d’algèbre ou d’arithmétique, ce sont des pures produits de la pensée et elles sont indépendantes de l’univers. Par exemple un triangle aura toujours trois cotés, 2+2 sera toujours égale à 4 : ce sont des vérités absolues et universelles.
Les vérités relatives à la nature, comme les vérités scientifiques ne sont pas des vérités absolues. Dans le domaine scientifique, dans le cadre de l’explication et de la représentation des phénomènes du milieu qui nous entourent, la vérité a le statut d’un idéal asymptotique. En effet, les savoirs scientifiques sont des énoncés puissants puisqu’ils ont surmonté les épreuves de la réfutation et de l’expérimentation, mais on l’a vu dans la partie précédente ils sont toujours susceptibles d’être réfuter par un esprit plus puissant. Chaque nouvelle découverte scientifique qui vient balayer la précédente, se rapproche un peu plus de la vérité et précise d’avantage une représentation, ces vérités sont dans une certaine mesure provisoires.
Si la vérité n’est pas soumise au temps il n’en demeure pas moins que pour atteindre la vérité il faut du temps, au sens ou la recherche de la vérité nécessite un travail.
La vérité prend racine sur les erreurs commises précédemment, ces erreurs constituent le moyen de parvenir à la vérité. Cependant la recherche de la vérité est un long processus, difficile et où nous ne sommes jamais certains d’atteindre notre but.
La recherche de la vérité nécessite du temps, le résultat n’est pas immédiat on peut dire que l’accès à la vérité est soumis au temps. En effet, pour produire une vérité il faut instaurer un rapport problématique et distancié au réel il faut révoquer en doute ce qu’on tenait pour vérité. Ainsi la pensée doit adopter une position critique pour rompre avec la pensée naturelle fondée sur notre perception immédiate des choses ou sur les préjugés de la culture qui est incertaine et qui est le principal obstacle à la recherche de la vérité.
Cette position de la pensée est d’une part le seul moyen efficace pour aboutir à des vérités mais permet aussi d’évincer la position dogmatique qui sacralise les opinions et qui considère que la vérité n’est pas soumise au temps et d’évincer la position relativiste qui considèrent que tous les énoncés se valent et que la vérité diffère pour chaque personne, chaque lieu, chaque époque et que donc la vérité n’est pas soumise au temps.
Bien que dans certains cas la vérité semble être soumise au temps, elle est en réalité universelle cependant l’accès à la vérité est quant à lui soumis au temps. Il y a certain cas où la pensée aboutit à des vérités absolues mais parfois il faut se contenter de vérité provisoire ou avoir la longue patience et la ténacité des explorateurs et le courage de rester fidèle aux vérités entrevues ou découvertes.