« Nous n’avons pas d’imagination, et nous décrétons que personne n’en aura » faisait dire Baudelaire à des ennemis de l’imagination dans le salon de 1859. De même les hommes s’interdisent l’image souvent sous le prétexte qu’elle serait nuisible à la vérité. Cependant la faiblesse de cet argument est révélée par le fait même que l’imagination persiste et n’a pu être annihilée. Étant donnés ces facteurs, on est amené à se demander ; l’imagination est-elle ennemie de la vérité ?
L’imagination a-t-elle pour but de nuire à la vérité, et est-elle en opposition avec cette dernière ? L’imagination s’éloigne-t-elle forcément de la logique, ainsi que de la réalité des choses ? Ou bien l’imagination peut-elle être conforme à la réalité, voire se situer sur un domaine que celle-ci pourrait être complémentaire de la vérité ? N’y a-t-il pas de distinctions à faire ?
I. L'imagination déforme la vérité
L’imagination est la faculté d’élaborer des images, en étant soit reproductrice, elle perçoit alors un objet absent ; soit créatrice, elle invente alors des synthèses originales d’images perçues. La vérité peut être la vérité formelle, consistant alors dans l’accord de la pensée avec elle-même et dans l’absence de contradiction. La vérité peut également être la vérité matérielle, où un jugement est conforme à la réalité d’une chose. D’une certaine manière, l’imagination peut sembler être ennemie de la vérité.
Ainsi Pascal, dans ses Pensées, 82, nomme l’imagination « maîtresse d’erreur et de fausseté et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours ». En effet, l’imagination souvent mêle ou marque du même caractère le vrai du faux. Cette remarque est évidemment caractéristique d’une certaine forme d’imagination, celle qui est dite irrationnelle puisqu’elle n’est pas produite par la raison. Dans les créations fantaisistes, voire fantastiques, l’imagination montre des éléments, des objets qui appartiennent à la réalité et d’autres qui sont irréels. Par ailleurs, l’imagination apparaît à plusieurs égards « ennemie de la raison », toujours selon Pascal, mais également de l’entendement, ces deux facultés permettant de distinguer le vrai du faux, là où l’imagination ne fait pas de distinctions.
L’imagination, ou pour être plus précis, l’imaginaire, qui qualifie les produits de l’imagination diffère ou s’oppose à la raison en ceci qu’il peut-être réduit à l’émotion : « [i]l’imaginaire n’est pas dans l’image, dans la connaissance que