La vérité est rarement associée au fanatisme. Cette recherche patiente, rigoureuse, du plus juste accord avec ce qui est n’est-elle pas, au contraire, le meilleur moyen de prévention de cette attitude figée, de cette pensée partielle et partiale qui anime le fanatisme ? Et face à la force du fanatisme, ne convient-il pas de rechercher la vérité avec la même passion que celle qui anime le fanatique, tendu vers un objectif dont rien ne saurait l’écarter ?
Mais si la recherche méthodique de la vérité prévient le fanatisme, l’attachement passionné à une vérité ne peut- il pas, au contraire, le nourrir ? Il est difficile de douter d’une vérité chèrement acquise, difficilement approchée, surtout quand elle est largement partagée et se forge dans le combat contre le fanatisme. Le héros de la vérité ne peut-il pas se gonfler d’orgueil et de certitude, rejoignant ainsi l’attitude fanatique qu’il combattait jadis ?
Est-il alors possible d’éviter cet écueil ? La passion de la vérité peut-elle, en se transformant en passion de la recherche de la vérité, prévenir le péril du fanatisme ?
Après avoir montré que la vérité s’oppose au fanatisme en le combattant, nous nous demanderons si cette lutte ne risque pas de contaminer la passion de la vérité en entraînant le « héros » de la vérité du côté du fanatisme. Nous chercherons enfin à comprendre comment cette contamination peut être prévenue.
I. La vérité s'oppose au fanatisme
Si le dialogue, la relation à l’autre, peut nous éclairer sur le chemin de la vérité, nul ne saurait dialoguer de façon féconde avec un fanatique. Comme le signale Alain, la pensée du fanatique est « raidie », elle « se limite », « ne voit qu’un côté », « ne comprend point la pensée des autres ». Partielle et partiale, comment une telle pensée, figée, abstraite, nous conduirait-elle vers la vérité, concrète ?
La pensée des Lumières a combattu le fanatisme religieux, les superstitions, l’ignorance et l’obscurantisme. « Que répondre », demande Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, « à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? ». Le philosophe décrit le fanatisme comme une véritable « maladie épidémique », une « peste des âmes » que même les lois humaines peinent à combattre. Quant à la religion, elle se révèle impuissante, elle aussi, à combattre le fanatisme puisqu’elle « [i]se