Qu’y a-t-il de plus effrayant que le spectacle d'une nature déchaînée ? Catastrophes, chaos climatique et menaces d'épidémies se bousculent à la une des journaux, réveillant nos peurs les plus primaires. À la fois puissance d’engendrement et totalité des réalités qui existent indépendamment des hommes, la nature nous dépasse et nous rappelle, parfois, à quel point nous sommes fragiles. Face à elle, la peur, émotion inconfortable d'effroi que l'on ressent en présence d'un péril, est une précieuse alliée. Elle nous pousse à fuir le danger ou à se préparer pour l'affronter du mieux possible. Le sujet renvoie à la question de savoir si nous avons la capacité réelle, si nous avons le droit, la légitimité d’avoir peur de la nature.
Nous avons évidemment la capacité d’avoir peur de la nature : les arachnophobes en sont la preuve formelle. Mais est-il légitime d'avoir peur de la nature ? La peur peut court-circuiter la raison et se nourrir des illusions de l'imagination, amplifiant et déformant à l’excès l'objet qui la cause : pour l’arachnophobe, toutes les araignées même les plus inoffensives et insignifiantes sont terrifiantes et méritent d'être tuées… Spontanée et irréfléchie, la peur peut nous faire perdre toute lucidité, allant jusqu'à provoquer des réactions irrationnelles.
Dès lors, comment pourrait-il être possible d'avoir peur de la nature si cette peur est le fruit de nos illusions et d'une raison défaillante ? Après avoir envisagé les raisons pour lesquelles il est possible, mais nullement légitime d'avoir peur de la nature , nous verrons en quoi il n'est pas davantage conforme à la raison de ne pas avoir peur de celle-ci. Peut-on, dès lors, considérer, dans un dernier moment, une forme de peur de la nature qui pourrait se hisser au niveau des exigences de la raison ?
I. Il n'est pas légitime d'avoir peur de la nature
Tout d’abord, la peur de la nature n’est pas légitime. En effet, il n’y a pas de raison objective pour avoir peur de la nature. Notre fascination pour les catastrophes nous pousse à imaginer la nature comme une puissance hostile à l'homme. Une telle représentation reflète-t-elle, cependant, la réalité ? Aussi médiatique et spectaculaire soit elle, une catastrophe est souvent exceptionnelle : c'est un dérèglement momentané et ponctuel d'une nature qui, la plupart du temps, semble ordonnée et harmonieuse. C'est d'ailleurs ce qu'indique la définition de la nature, qui est à la fois une puissance d'engendrement et le ré