L'expression convenue d'un "droit du plus fort" semble indiquer pour la force la possibilité d'imposer ce qu'elle considère comme son droit. Dans une telle hypothèse, c'est bien la force qui, pour atteindre ses fins, utilise ce qu'elle déclare être son droit comme un moyen. Mais cette situation est-elle légitime ? Du droit ou de la force, lequel est, ou doit être un moyen pour l'autre ?
I. Critique du droit du plus fort
Lorsqu'on essaie de concevoir ce que peut être l'origine historique du droit, on est éventuellement amené à reconnaître que son instauration initiale a dû se faire grâce à une force réussissant à imposer son ordre à un groupe d'êtres humains. Il apparaît toutefois qu'une telle situation doit se transformer si le droit entend être durablement maintenu et respecté.
Rousseau montre notamment, dans le Contrat social, qu'admettre l'existence permanente d'un droit qui ne serait fondé que sur la force, c'est-à-dire de ce que désigne l'expression "droit du plus fort", ne peut mener qu'à une situation périodiquement conflictuelle, incapable de générer la moindre stabilité sociale. Si en effet, c'est la force qui produit le droit et lui confère sa "légitimité", toute force supérieure à une première, appliquant le même principe, sera susceptible de faire reconnaître par la force un nouveau droit qui la satisferait davantage. Aussi ne peut-il en résulter qu'un "galimatias", et l'expression "droit du plus fort" ne fait pas sens.
C'est pourquoi Rousseau met en lumière la nécessité du contrat social primitif, comme moyen de constituer un corps politique admettant implicitement pour toujours, ou du moins sur la longue durée, que la loi doit être respectée. L'expression même de "contrat social" indique en elle-même un événement de caractère juridique, qui instaure la possibilité de continuer à légiférer.
II. Le droit contrarie l'indépendance originelle
Le droit, une fois instauré, doit être respecté. Son existence même, qui définit le cadre de ce qui est admissible de la part des citoyens, indique la nécessité d'imposer aux initiatives de chacun un ensemble de contraintes. Si tout système de droit est ainsi contraignant, c'est parce que demeure dans chaque membre de la communauté une tendance à n'écouter que ses intérêts immédiats, qui peuvent être contraires à ceux de la collectivité ou de tel autre de ses membres. La définition de la loi sous-entend ainsi l'éventualité de sa transgression.
Une telle transgress