Hume, Traité de la nature humaine: L'égalité parfaite

Commentaire synthétique.

Dernière mise à jour : 03/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Les historiens, et même le bon sens, peuvent nous faire connaître que, pour séduisantes que puissent paraître ces idées d'égalité parfaite, en réalité elles sont, au fond, impraticables, et si elles ne l'étaient pas, elles seraient extrêmement pernicieuses pour la société humaine. Rendez les possessions aussi égales que possibles : les degrés différents de l'art, du soin, du travail des hommes rompront immédiatement cette égalité. Ou alors, si vous restreignez ces vertus, vous réduisez la société à la plus extrême indigence, et, au lieu de prévenir le soin et la mendicité chez quelques-uns, vous les rendez inévitables à la communauté entière. La plus rigoureuse inquisition est également nécessaire, pour déceler toute inégalité dès qu'elle apparaît, ainsi que la juridiction la plus sévère, pour la punir et la rectifier. Mais, outre que tant d'autorité doit bientôt dégénérer en tyrannie, et être exercée avec une grande partialité, qui peut bien en être investi dans une situation telle que celle ici supposée ?

Hume, Traité de la nature humaine

Questions préalables

- Quels sont les deux principaux reproches adressés ici à l'idée d'une "égalité parfaite" ?
- Que désigne exactement cette expression ?
- Quelle forme d'égalité devrait privilégier la société ?

Introduction

Le projet d'instaurer une égalité parfaite ou absolue entre tous les membres d'une société mérite-t-il d'être sérieusement envisagé ? Doit-on confondre un tel idéal avec ce que les théoriciens politiques nomment égalité sociale ? Hume montre ici que l'égalité parfaite est une illusion complète, puisqu'elle ne serait en apparence réalisable qu'au prix d'un appauvrissement et d'une surveillance généralisés, mais aussi qu'elle est en elle-même contradictoire, puisqu'il faudrait bien que ceux chargés de la faire respecter soient dotés d'une autorité supérieure qui n'est guère compatible avec son affirmation ou son maintien.

I. L’égalité parfaite est impossible

L'égalité parfaite est un rêve qui peut périodiquement affleurer dans l'imagination humaine, sous des prétextes et dans des conditions divers. Que ce soit par admiration pour un "bon sauvage" outrageusement doté de toutes les qualités, ou dans l'optique d'une société qui ne pourrait se constituer qu'à la fin de l'histoire et de ses contradictions, elle demeure notablement absente de la réalité historique. On aura beau en chercher un exemple dans les faits, on ne le trouvera pas : toute société ayant existé apparaît dotée de certaines formes d'inégalité.

Peut-on alors considérer que le principe d'une égalité absolue mérite malgré tout d'être considéré, ne serait-ce que pour guider l'action politique ? C'est cette fois "le bon sens", c'est-à-dire la raison moyenne, qui permet d'en montrer l'inanité. Si par hypothèse on parvient en effet à rendre "les possessions aussi égales que possibles", si donc on aligne tous les biens, les propriétés, les richesses, sur un modèle unique, cette égalité une fois établie est incapable de se maintenir. En effet, c'est l'ensemble des activités des hommes qui est en lui-même producteur d'inégalités immédiates et constantes. "Les degrés différents de l'art, du soin, du travail" perturbent obligatoirement l'égalité théoriquement installée : savoir-faire, attention portée à la tâche, diversité des activités accomplies s'échelonnent selon des degrés divers et aboutissent à des qualités et des quantités de produits qu'il n'est pas possible de considérer comme équivalents ou de même

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