Hume, Traité de la nature humaine: Identité et conscience intime

Appréciation du professeur: "très bonne explication de texte! claire, bien construite. Le texte est très bien compris dans son contenu, sa progression et sa portée". Note obtenue: 16/20.

Dernière mise à jour : 19/10/2021 • Proposé par: Anna3939 (élève)

Texte étudié

Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites.(...)
Pour moi, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur, de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d'autre que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour temps comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus mes perceptions étaient supprimées ,par la mort et que je ne puisse ni penser, ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui même, une connaissance différente, il me faut l'avouer,. je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.

Hume, Traité de la nature humaine - Livre I, 4ème partie, section V

Cet extrait de David Hume, issu du Traité de la nature humaine, évoque le problème de la connaissance de l’homme ; il en vient au problème de l’identité personnelle, mettant complètement en question l’unité du moi. Qu’est-ce que le moi ? Est-ce que notre moi se définit par une existence propre ou n’est-il pas directement lié à nos perceptions ? On remarque ainsi que les termes en relation avec le moi son en italique ce qui montre leur importance et que le moi est bien au cœur du sujet; moi l.2, l6, l.9, l.12 ou lui-même l.18. L’auteur, lui, défend l’idée que le moi provient des perceptions. Autrement dit il serait entièrement lié aux évènements qui constituent la vie de l’esprit ou encore les phénomènes de notre esprit qui regroupent les impressions et les idées.

Dans un premier temps (l.1 à 5), Hume présente l’opinion de certains philosophes qui imaginent qu’à chaque instant de notre existence nous avons conscience de notre moi, de son identité et de sa simplicité, et par conséquent qu’il aurait une existence perpétuelle.
Ensuite (l. 5 à 10) on trouve clairement la thèse de l’auteur, il réfute l’opinion de ces philosophes en nous exposant son point de vue grâce à ces différents analyses et doutes qu’il a pu observer en s’attachant à sa propre personne, ainsi le moi pose interrogation et ne semble pas si simple que cela. Il en arrive, enfin, au fait que le moi est intiment relié à nos perceptions.
Puis (l. 10 à 17) Hume évoque le sommeil ainsi que la mort, soit deux états qui contredisent l’une des idées premières évoquées au tout début comme quoi le moi est perpétuel, autrement dit qu’il a « une continuité d’existence ». Pour terminer (l. 17 à la fin) il nous montre que ses idées sont vraiment une certitude... pour lui puisque si quelqu’un pense avoir une notion différente du lui-même après avoir réfléchi à tout cela sérieusement et sans préjugé il ne pourra s’entretenir avec lui.

I. Selon certains, nous avons conscience de nous-mêmes en tout instant

Dans un premier temps Hume nous expose l’opinion de « certains » philosophes. Avant toute chose il important de remarquer que le pronom personnel utilisé est le « nous » ce qui implique que les lecteurs sont directement visés et par conséquent nous pouvons penser que la réalité qui s’en suit est applicable à tout être humain.

On apprend ainsi que « certains » philosophes « imaginent » que nous avons conscience du moi tout au long de notre existence. Ce moi serait donc relié à notre esprit/âme étant donné qu’ils sont certains de « sa continuité d’existence », soit de sa perpétuelle ou encore de son infinie vie. Ce moi, pour eux serait également d’une évidente simplicité et nous serions bien conscient de son identité qui semble claire. Le moi correspondrait donc à la conscience de l’individualité conçue par certains philosophes comme réalité permanente et invariable, identique, simple.

Descartes et son « cogito » semble être directement visé lorsqu’il parle notamment «de l’évidence de son identité ». En effet, la célèbre expression de ce philosophe « je pense donc je suis » est le fruit d’une intuition ; mon existence s’offre à moi à travers ma pensée, comme une vérité évidente. De part l’adverbe « certains », en tout début de texte, qui caractérise les philosophes et qui montre qu’il ne se considère pas ainsi, et par l’utilisation du verbe « imaginent », Hume nous montre d’emblée sa réticence concernant la vision de ces philosophes. Pour lui elle est purement et simplement issu de leur imagination et elle ne s’accorde donc pas à la réalité et ne peut être acceptable.

II. Mais cette conscience de soi ne semble n'être qu'une suite de perceptions

Par la suite, à la ligne 5, on constate la proposition « pour ma part » et le changement de pronom personnelle « je » qui nous montre donc que l’auteur va nous proposer sa propre vision concernant notre problème du moi. Il s’agira donc de la thèse défendue par l’auteur. Il peut vouloir s’adresser aux lecteurs, mais également aux philosophes précédents en leur formulant une réponse.

Dans un premier temps, il contre dit leur opinion sur le moi en se basant sur l’analyse qu’il a pu effectuer sur son moi ; en effet il nous apprend que lorsqu’il entre au plus intime de ce qu’il appelle moi-même, c’est toujours pour tomber sur une perception ou sur une autre. Il peut observer des choses, mais il s’agit uniquement des perceptions à savoir le chaud ou le froid, la lumière ou l’ombre, l’amour ou la haine, ou encore la douleur ou le plaisir, mais il ne peux aller plus loin. Il en arrive ainsi au fait que le moi est intiment relié à nos perceptions. De plus en se prenant comme référence à la ligne 9 et 10, il nous montre qu’il ne se perçoit pas lui-même ; les impressions et idées se succédant sans trêve, l’identité de l’esprit humain, par conséquent, est illusoire puisqu’il n’y a en nous que du changement. Ceci est donc contradictoire avec l’idée des philosophes concernant « l’évidence de l’identité » du moi.

Pour lui, la conscience intime du moi n’est donc qu’une suite de perceptions particulières. Il réfute donc l’opinion de ces philosophes en nous exposant son point de vue à travers les différentes analyses et remarques auxquelles il a pu s’attacher lors de l’étude de sa propre personne. Nous en arrivons au fait que le moi fait références a de nombreux questionnements et ne semble pas si simple que cela , « l’évidence de sa simplicité » parfaite » après « l’évidence de son identité » est, donc à son tour, elle aussi remise en cause.

III. La continuité de l'existence, remise en cause par le sommeil ou la mort

Ensuite à partir de la ligne 10 jusqu’à la ligne 17, Hume appuie davantage encore son argumentation en évoquant l’exemple de deux états: le sommeil puis la mort.

En effet, il nous dit que lorsqu’il est soumis à un sommeil ses perceptions sont écartées aussi longtemps que dure cet état. Si on se place du point de vue de Hume, on peut penser qu’il dit que ses perceptions sont écartés dans la mesure ou ses pensées et idées, lorsqu’il dort et notamment qu’il rêve ne font pas partie de la réalité. Or nous avons vu que pour lui les perceptions sont intimement liées au moi.

Par conséquent lors d’un sommeil il n’a plus conscience du moi ce qui contredit l’une des idées premières évoquées au tout début par certains philosophes comme quoi le moi serait perpétuel, soit qu’il aurait « une continuité d’existence ». La situation est la même lorsqu’il s’agit de la mort. En effet s’il mourait toutes ses perceptions seraient supprimées et il ne pourrait plus penser, sentir, voir, aimer, ni même haïr une fois que son corps se serait décomposé, réduit à rien et ainsi il n’existerait plus.

Pour terminer (l. 17 à la fin) il nous montre que ses idées sont vraiment une certitude absolue pour lui puisque si quelqu’un pense avoir une notion différente du lui-même après avoir réfléchi à tout cela sérieusement et sans préjugé il ne pourra s’entretenir avec lui.

Conclusion

À travers ce texte, Hume s’oppose aux idées de certains philosophes qui imaginent que le moi est perpétuel, identique, invariable, et simple. Pour cela il s’appuie sur l’analyse de sa propre personne. Il arrive ainsi à nous convaincre que la conscience intime du moi est une suite de perceptions particulières ; et puisque que nos perceptions sont très diverses le questionnement sur le moi est très complexe contrairement à ce que disent ces philosophes. De plus il nous montre qu’il ne se perçoit pas lui-même ; les impressions et idées se succédant sans trêve, l’identité de l’esprit humain ,par conséquent, est illusoire. Ceci est donc contradictoire avec l’idée des philosophes concernant « l’évidence de l’identité » du moi. Enfin grâce aux deux exemples utilisés à savoir le sommeil est la mort, Hume nous prouve que nous ne pouvons le moi ne peut pas s’apparenter à une continuité d’existence. Le moi identique, simple et permanent n’est donc purement et simplement que le fruit de l’imagination des philosophes.