Antigone, dans la célèbre tragédie de Sophocle, choisit de désobéir aux lois de son oncle, Créon, qu'elle trouve injustes car elles lui interdisent d'enterrer son frère. Elle obéit ainsi à ce qu'elle pense être raisonnable, c'est à dire conforme au bon sens, à la sagesse, plutôt qu'à des lois qui vont à l'encontre de ses principes.
On aurait généralement tendance à penser qu'il ne peut pas être raisonnable de désobéir aux lois. Celles-ci sont en effet un ensemble de règles communes à tous les hommes vivants dans une même société, autorisant ou interdisant certains comportements considérés comme justes ou nuisibles à la société. Alors peut-il être raisonnable de ne pas respecter, d'enfreindre des règles censées être et définir ce qui est juste ? On peut d'emblée remarquer le paradoxe que soulève cette question. Comment pourrait-il être sage de faire ce que l'on nous interdit ? Qu'est-ce qui pourrait justifier la désobéissance au nom du raisonnable ? Existerait-il alors des lois injustes ?
Les lois soumettent tous leurs sujets à des droits et des devoirs. On peut donc considérer qu'elles définissent ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Cependant il peut être dangereux d'associer systématiquement loi et justice, car certaines lois peuvent parfois nous paraître illégitimes. Serait-il donc, dans certains cas, raisonnable de désobéir aux lois ? Si oui, où se trouvent les limites du raisonnable ?
I. Les lois définissent ce qui est juste et ce qui ne l'est pas
Les lois sont en effet un ensemble de règles établies conventionnellement par les hommes et pour les hommes. Elles ont pour fin de faciliter et d'organiser leur vie en société, en donnant à chacun les mêmes droits et devoirs pour garantir à tous l'ordre et l'équité. Les hommes, ne pouvant se passer les uns des autres, ont donc besoin de règles pour vivre en société afin que la « loi du plus fort » n'y règne pas. C'est « l'insociable sociabilité des hommes » dont parlait Emmanuel Kant.
Les lois sont alors des conventions considérées comme justes. Et plus encore, elles finissent le juste afin de préserver les hommes de leur égoïsme spontané. Il semble donc difficile d'admettre que des lois injustes puissent exister, puisque par définition le juste est ce qui est conforme à la loi.
C'est ce qu'admet le positivisme juridique, qui justifie inconditionnellement le droit positif incarné par un État, qui établit ses propres conventions. Ainsi, à l'inverse du droit idéal qui v