Reconnaître la vérité consiste à pouvoir la différencier de l'erreur ou de l'illusion, du faux ou du mensonge. Si l'erreur est un simple déficit de connaissance ou une étourderie, facilement réparables, il n'en va pas de même du mensonge ou de l'illusion, qui perdurent au delà de la mise en évidence du faux. Comment expliquer que nous ayons parfois tant de mal, en effet, à reconnaître la vérité ? D'une part, il arrive que nous ne la voyions pas alors même qu'elle crève les yeux, Faut-il mettre sur le compte de l'imbécillité cet étrange aveuglement, ou bien la cause serait-elle à chercher ailleurs, dans les multiples détours de la psychologie humaine ? Pourquoi ne voyons-nous pas le monde tel qu'il est ? L'aveugle ne voit pas, donc se trompe, mais involontairement; que dirons-nous alors de l'aveuglé, qui voit, mais ne voit pas correctement ? Pourquoi cette "mésinterprétation" ? En définitive il s'agit de savoir pourquoi il nous arrive de pas accepter la vérité, de lui préférer autre chose.
I. Parce que la vérité n'est pas évidente
La première cause de la difficulté à reconnaître la vérité semble bien être la difficulté intrinsèque d'y accéder. La vérité réclame un effort ; elle ne se présente pas toujours à nous sous la forme d'une évidence, et même quand c'est le cas, les évidences peuvent être trompeuses. Nous avons donc du mal à reconnaître la vérité parce que la vérité se cache bien! Telle est essentiellement l'argumentation des sceptiques: où est donc la vérité, disent-ils, quand on constate l'éternelle contradiction des opinions ? Les hommes ne sont pas d'accord entre eux, y compris sur des questions apparemment simples, ce qui témoigne bien du caractère incertain de toute opinion, Si la vérité était facile à reconnaître, nous finirions par tomber d'accord.
Meme si nous refusons de suivre les sceptiques jusqu'au bout de leur raisonnement, nous devons admettre que la vérité n'est pas d'un accès facile. L 'homme d'aujourd'hui, par exemple, est sans cesse confronté à des millions d'informations concernant des millions d’ événements qui se produisent dans le monde ; nous sommes contraints d'avoir un avis sur tous ces événements, alors même que les information:; reçues se révèlent en définitive peu fiables, voire mensongères, et à tout le moins parcellaires. Nous commettons donc des erreurs, et en un sens, beaucoup plus que nos ancêtres qui, n'étant pas informés comme nous le sommes, avaient moins souvent l’occasion de formuler un jugement,