L’expérience est la connaissance des choses acquise par l’usage. Elle peut être également une tentative pour découvrir comment une chose se passe.
Une théorie est ensemble de notions, d'idées, de concepts abstraits appliqués à un domaine particulier. Une théorie ne sera considérée comme scientifique que si elle est élaborée d’une manière précise et rigoureuse, propre aux sciences, pour tendre vers une connaissance certaine.
L’expérience est-elle un moyen fiable de rendre une théorie rigoureuse?
Si dans un premier temps, les théories scientifiques peuvent sembler découler de l’expérience, il n’en reste pas moins que la restriction du caractère scientifique à ce qui peut être expérimenté est sans doute excessif et que certaines théories peuvent être dites scientifiques uniquement grâce à des démonstrations.
L’expérience, par ce que nous avons appris grâce à elle, nous permet de mieux appréhender le monde. En effet, l’Homme grâce aux expériences qu’il a vécues tire des leçons qu’il partage avec ses semblables. C’est ainsi qu’à partir de concepts expérimentaux, l’Homme conçoit des théories.
La conduite expérimentale se base sur deux principes : d’une part, le chercheur veut contrôler un concept, d’autre part cela nécessite que les faits soient bien certains. Claude Bernard considérait que la méthode expérimentale se concevait en trois phases : observation, hypothèse, vérification. Ainsi, le chercheur constate le phénomène qu’il a observé, émet une hypothèse et réalise une expérience lui permettant de confirmer ou infirmer à partir de son interprétation, une théorie. Aussi l’expérience n’est-elle qu’une observation produite et conçue dans l’intention de contrôler la valeur d’une hypothèse. Car l’hypothèse représente un effort pour comprendre et pour en tirer une théorie. Ainsi, Lavoisier constate en brûlant un morceau de plomb que son poids a augmenté. A une époque où l’on croit que les métaux sont constitués de chaux et de « phlogistique » et que la combustion libère le phlogistique, Lavoisier démontre grâce à cette expérience que le métal au cours de cette réaction a fixé l’oxygène de l’air. En cela, la validité de l’expérience scientifique et par la-même, l’aspect scientifique que prend la théorie qui en découle vient de ce que cette expérience a été rigoureusement préparée et conçue. Ainsi, l’hypothèse donnée est vérifiée et la répétition de l’expérience un grand nombre de fois permettra de la généraliser et d’établir de cette façon une théorie universelle. Par conséquent, l’expérimentation scientifique n’a de signification que par le biais de la mise au point d’une théorie.
Mais l’expérience a ses limites et peut remettre en question le caractère scientifique. En effet, si l’expérience vérifie une hypothèse donnée, l’établissement d’une théorie sur cette base n’est pas infailliblement généralisable. Ainsi, nos connaissances scientifiques ont prouvé que le tabac avait un effet certain sur le cancer du poumon ; pourtant, si l’on prend des individus ayant fumé pendant la même durée, on pourra observer certains individus atteints par cette maladie et d’autres non. Ainsi, l’hypothèse n’étant pas vérifiée, elle n’a pas de caractère scientifique.
On suppose en général qu'une expérience peut "démontrer" la validité d'une théorie. Mais en fait, les résultats que peuvent donner une expérience peuvent être dus à des causes tout à fait différentes que celles recherchées.
Il en va ainsi de bon nombre de superstitions. Ainsi, l’astrologie utilise dans ses prédictions des termes généralistes pouvant s’appliquer à chacun et de ce fait pouvant rendre crédibles des théories sur l’influence des astres sur notre vie.
En définitive, on peut tout de même concevoir une démarche invariablement scientifique dans la réalisation d’expériences qui démentent l’hypothèse de départ qui de ce fait se trouvent annulées. On peut alors dire que l'échec est plus édifiant que l’accord. Alors que la confirmation de l’hypothèse n’apporte pas la preuve de sa validité, la réfutation de celle-ci apporte la preuve qu’elle ne peut subsister. En effet, une seule observation différente permet pour toujours une affirmation générale. C’est la raison pour laquelle, pour Karl Popper, les théories falsifiables sont les seules qui peuvent être considérées comme scientifiques.
Si l’expérience n’est pas la base des théories scientifiques, elle en demeure un guide précieux. En effet, il est difficile de concevoir des théories sans expérience, même si l’expérience ne suffit pas pour leur élaboration. On pourrait ainsi estimer que les théories scientifiques devancent l’expérience car elles sont échafaudées par l’homme. En ce sens, l’expérience est nécessaire pour confirmer les hypothèses scientifiques, mais elle est insuffisante pour découvrir les raisons d’un évènement. De ce fait, elle ne servira pas seulement à vérifier des concepts qui seraient incertains. Par conséquent, la théorie et l’expérience peuvent être considérées comme complémentaires et c’est en cela que l’expérience peut garantir le caractère scientifique de la théorie.