La conscience n'est en somme qu'un réseau de liens entre les hommes et elle n’aurait pu prendre un autre développement. A vivre isolé telle une bête féroce, l'homme aurait pu fort bien s'en passer. Le fait que nos actes, nos pensées, nos sentiments, nos mouvements mêmes deviennent conscients - tout au moins une partie de ceux-ci n’est que le résultat d'une terrible nécessité qui a longtemps dominé l'homme : il avait besoin, lui, l’animal le plus menacé, d'aide et de protection, il avait besoin de son semblable, il fallait qu'il sût se rendre intelligible pour exprimer sa détresse , et pour cela, il avait tout d'abord besoin de la conscience, donc même pour "savoir" lui-même ce qui lui manquait, pour "savoir" ce qu’il sentait, pour "savoir" ce qu'il pensait. Car comme toute créature vivante, l'homme, je le répète, pense constamment, mais il l'ignore ; la pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus médiocre, de tout ce qu'il pense, car il n'y a que cette pensée qui s'exprime en paroles, c'est-à-dire en signes de communication, ce qui révèle l'origine même de la conscience.