Introduction
L'essor industriel sans cesse croissant et l'expansion économique reposent essentiellement sur le développement des machines et leur modernisation constante. Mues par des puissances et des forces de la nature, la machine semble libérer l'homme de ses contraintes matérielles en travaillant pour lui. Pourtant, le développement poussé des techniques rend l'homme dépendant voire inutile. De plus, l'automatisation suscite l'admiration mais aussi la crainte d'une perte de contrôle de l'homme sur sa création.
Les machines sont-elles les clés indispensables d'un progrès industriel et social, ou déshumanisent-elles le monde qui nous entoure, par leur fonctionnement? En définitive, faut-il redouter les machines?
Développement
Alors que l'outil est lié à la main et au travail musculaire, la machine utilise différentes formes d'énergie et a un fonctionnement autonome. Avec l'outil, l'homme agit sur la nature, avec la machine, il l'utilise. La machine peut se révéler être une cause de diminution de dépense pour l'homme et l'aider dans les tâches pénibles et ardues de son travail. L'ancienne organisation du travail engendrait des inégalités sociales et rendait le labeur humain particulièrement difficile. C'est pourquoi il ne faut pas idéaliser l'image du monde d'artisans, maîtres de leur travail, et considérer les machines comme pouvant alléger considérablement la pénibilité physique de leur métier. Comme le dit Hegel, "Dans la machine, l'homme supprime même cette activité formelle qui est sienne, et fait complètement travailler cette machine pour lui". Hegel fait donc la différence entre "forme" et "matière": la forme est l'activité qui vient de l'homme, quand à la matière, c'est la nature de l'instrument. L'homme fait preuve de ruse pour utiliser des forces externes à son profit. Le développement intensif des machines se traduit alors par une transformation du travail et une augmentation de la production.
Mais c'est justement dans leur principe que les machines se révèlent dangereuses. En remplaçant l'homme dans ses tâches ardues, et en rendant ses qualifications inutiles, la machine rend l'homme inutile. Émile Zola fait le constat de cet état de fait dans "La terre": "Des paysans qui sont des mécaniciens, un peloton d'ouvriers suivant à cheval chaque machine, prêt à descendre serrer un écrou, changer un boulon [...]". Le paysan n'est plus dépendant de ses mains mais du mécanisme de la machine et de son fonctionnement. Son travail de la terre est totalement évincé et il se cantonne dans un rôle de "vérificateur". La machine ayant une autonomie quasi-complète, l'homme devient alors inutile; de surcroît, l'augmentation de la productivité entraîne souvent une mévente et le surplus est gâché, d'où l'implication fréquente de la machine au chômage. C'est ainsi que les phénomènes de luddisme se sont multipliés au XIX° siècle, les ouvriers accusant les machines de les priver d'emploi. Un épisode célèbre de ce "courant anti-emploi" est la révolte des Canuts de Lyon qui détruisirent des métiers à tisser mécaniques qui les auraient mis au chômage.
Mais plus encore que de priver l'homme de travail, la machine supprime la connaissance qui est à sa base. Le travail se dévalorise et perd de sa réflexion. En utilisant une calculatrice, le mathématicien ne fait qu'appuyer sur des touches, il n'utilise pas la connaissance scientifique qui est à l'origine des opérations faites par la machine. Il en ressort une perte progressive de savoir et une destruction de la réflexion.
La crainte des machines est paradoxale car elle signifie que l'homme craint sa propre création et cela remet en cause sa maîtrise sur ce qu'il produit. Bien des romans d'anticipation ont pour thème la machine incontrôlable qui prend son autonomie et sa propre volonté pour tuer ou détruire. Dans Blade Runner, de Phillip K. Dick, les "répliquants" sont des androïdes, programmes pour exécuter des travaux ardus et des corvées, et par une erreur de système, ils se mettent à penser et agir selon leur propre volonté, puis ils se rebellent.
En fait, la machine n'est que la conséquence de la rationalité de l'homme. Elle ne tient compte ni du rêve ni du désir et n'aboutit qu'à une standardisation du mode de vie et du travail. Ainsi, en ne s'appuyant que sur des aspects fonctionnels, la machine force l'homme à s'adapter et régit la société en "despote". Pour preuve, les cités construites dans les banlieues françaises dans les années 70, que l'on peut assimiler à d'énormes blocs de béton, sont le pur produit d'un courant rationaliste tendant à loger un maximum de monde dans un minimum de place.
Mais plus encore, la pensée humaine change en fonction de la machine, ainsi comme Georges Duhamel l'écrit: "Je me défie de la machine qui est en moi, [...] je me défie de l'influence que peuvent exercer sur moi ces créatures de l'esprit humain, je me défie de la contagion des machines". La pensée de G. Duhamel se traduit par une contamination de la pensée humaine par la machine en pensée mécanique. L'espace et le temps deviennent ainsi réorganisés et l'homme s'invente un rythme mécanique qu'il répète tous les jours. De manière schématique, les "trois huit" en sont un exemple: huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de sommeil.
Conclusion
La machine offre des avantages indéniables pour l'homme, tant par sa productivité poussée que par la technique don elle est le support. Pourtant, le rythme accéléré des progrès rend les machines de plus en plus performantes et l'homme devient bientôt inutile.
Plus encore, l'homme s'adapte à la machine et automatise sa pensée. Il n'en demeure pas moins que la machine n'est que ce que l'homme en fait. Si elle se révèle être un danger pour lui, l'homme doit référer sa volonté créatrice dans son esprit. S'il veut pouvoir utiliser les machines, il doit toujours en garder le contrôle et ne pas laisser dépasser par son produit.