Bergson, La Pensée et le Mouvant: La durée du présent

Commentaire synthétique.

Dernière mise à jour : 04/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Notre conscience nous dit que, lorsque nous parlons de notre présent, c'est à un certain intervalle de durée que nous pensons. Quelle durée ? Impossible de la fixer exactement; c'est quelque chose d'assez flottant. Mon présent, en ce moment, est la phrase que je suis occupé à prononcer. Mais il en est ainsi parce qu'il me plaît de limiter à ma phrase le champ de mon attention. Cette attention est chose qui peut s'allonger et se raccourcir, comme l'intervalle entre les deux pointes d'un compas. Pour le moment, les pointes s'écartent juste assez pour aller du début à la fin de ma phrase; mais, s'il me prenait envie de les éloigner davantage, mon présent embrasserait, outre ma dernière phrase, celle qui la précédait : il m'aurait suffi d'adopter une autre ponctuation. Allons plus loin: une attention qui serait indéfiniment extensible tiendrait sous son regard, avec la phrase précédente, toutes les phrases antérieures de la leçon, et les événements qui ont précédé la leçon, et une portion aussi grande qu'on voudra de ce que nous appelons notre passé. La distinction que nous faisons entre notre présent et notre passé est donc, sinon arbitraire, du moins relative à l'étendue du champ que peut embrasser notre attention à la vie. Le "présent" occupe juste autant de place que cet effort.

Bergson, La Pensée et le Mouvant

Questions préalables

- L'élasticité du présent que souligne Bergson est-elle originale ?
- Bien réfléchir sur la relation entre saisie du présent et champ de l'attention.
- Qu'est-ce qui peut déterminer une modification du champ d'attention ?

Introduction

Dans l'histoire de la philosophie, la réflexion sur le temps a pu prendre différents aspects, selon qu'il s'agit d'en comprendre la nature (de Platon à Kant) ou d'en distinguer les aspects, tels que les analyse déjà saint Augustin le passé, le présent et le futur. Au lieu de procéder à un découpage de la temporalité qui isole clairement ces trois instances, Bergson propose ici une méditation sur le présent, qui montre que ses limites sont relatives à notre champ d'attention à la vie.

I. Élasticité du présent

Bergson envisage le phénomène temporel tel qu'il existe pour la conscience : il s'agit de saisir comment le présent se manifeste à l'intérieur de cette conscience, lorsqu'elle tente d'éclairer son affleurement. Le premier repérage consiste à cerner, sous le nom de "présent", "un certain intervalle de durée".

Immédiatement, la mesure exacte de cet intervalle, la connaissance de ses limites, fait problème. La conscience du présent s'inscrit dans une extrême variabilité. Et c'est ce qu'illustre sans attendre l'exemple de "la phrase que je suis en train de prononcer", qui propose une sorte d'introspection, un retour sur soi de l'activité consciente, au terme duquel il est clair que le présent coïncide , dans le sentiment qu'on peut en prendre, avec les besoins d'un fonctionnement mental lui-même actuel : c'est parce que je suis attentif à la phrase que je prononce (ou que j'écris) que sa durée définit mon présent du moment.

Mais le champ d'attention est lui-même variable, il peut s'allonger ou se raccourcir "comme l'intervalle entre les deux pointes d'un compas". La métaphore est intéressante en ce qu'elle désigne à la fois un espacement et la capacité de l'agrandir ou de le diminuer, non de manière arbitraire ou capricieuse, mais en fonction de la tâche pour laquelle j'utilise le compas.

On doit donc en déduire que le présent pourrait par exemple se ramasser sur un mot au lieu d'une phrase (par exemple si je dois faire effort pour en retrouver l'orthographe exacte), aussi bien, à l'inverse, que remonter de la phrase actuelle à la phrase précédente. Simple question, dit Bergson, de "ponctuation" : si je lie, graphiquement ou mentalem

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