Introduction
Le progrès relève-t-il de l’imaginaire, ou est-ce une réalité ? Dans un premier temps, le progrès du latin progressus désigne l’action d'avancer, d'aller vers l'avant, de s'accroître, d'être meilleur. Le progrès s’étend dans de nombreux domaines tels que la technique, la politique, la connaissance, la moralité… Pour l’humanité, le progrès est une évolution, il prend le sens d’une amélioration, son but est de tendre vers plus de connaissance et de bonheur. D’autre part, le mythe du grec muthos, est une histoire qu'on se raconte, un récit fabuleux qui trouve sa source dans l’imagination des Hommes.
A priori nous aurons tendance à répondre que le progrès n’est pas un mythe, sa présence est incontestable dans notre société. Cependant, le progrès suppose un jugement de valeur, c’est pourquoi la notion de progrès est remise en question : tout progrès est-il une amélioration ? Le progrès n’est-il pas qu’une illusion crée par les Hommes ?
Dans un premier temps nous étudierons que les différents types de progrès ne permettent pas le progrès de l’humanité, pour ensuite comprendre que le progrès est une réalité, il accompagne l’évolution de l’Homme. Pour finir nous verrons l’hypothèse selon laquelle le mythe du progrès est destiné à rassurer les Hommes.
I.
Dans un premier temps, le caractère ambivalent du progrès n’a pas pour but le progrès de l’humanité.Tout d’abord, le terme de progrès est une notion à double dimension. Il doit être appréhendé d’une approche quantitative soit l’action d’avancer, et d’une approche qualitative qui correspond à l’amélioration de quelque chose. Ainsi le progrès tel qu’il soit doit remplir deux fonctions distinctes : marquer une rupture avec le passé, mais aussi inciter le développement de quelque chose. Sa conséquence doit être le progrès humain. Toutefois, les fins du progrès sont de plus en plus confuses : le progrès vise-t-il le profit ou le bien être des Hommes ? Alors que le progrès est désormais l’idée maîtresse de notre civilisation, le progrès devient un moyen et non une fin. En effet, le progrès matériel est avant tout réalisé à des fins commerciales, ou même politiques, plutôt que sociales. On recherche sans cesse le progrès, non plus afin d’assurer le bonheur des Hommes, mais de faire du profit. « Le but de la société humaine doit être le progrès des hommes, non celui des choses. » de Léonard SISMONDE DE SISMONDI. Cet économiste et historien suisse, dénonce l’importance que prend le progrès technique, que l’on pourrait appeler le progrès matériel, au détriment du progrès spirituel. Les dérives du progrès nous laissent croire que sa fonction initiale est dépassée, devant alors un mythe.
Ensuite, le progrès génère de nombreux effets pervers qui nous poussent à reconsidérer son efficacité. Bien que certains progrès soient incontestables tels que les avancées dans le domaine médical, ou alors l’évolution des moyens de communication ; leurs retombées ne sont pas tout le temps bénéfiques pour l’Homme. En effet, en prenant pour exemple la chaîne de convoyage inventée par FORD au début du XIXème siècle : on reconnaît ses conséquences positives pour la production, mais aussi ses effets néfastes sur l’être humain. L’Homme va développer une dépendance à l’égard des objets qu’il crée. Cela fit dire à Paul VALERY dans Regards sur le monde actuel : "L'homme moderne est l'esclave de la modernité : il n'est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude." Rousseau pense que l’Homme s’habitue au progrès technique au point de « s’amollir le corps et l’esprit. ». En effet, le pédiatre Allemand Peter WINTERSTEIN a démontré que la télévision altère la capacité d’imagination chez les enfants : plus ils passaient de temps devant leur écran, plus leurs dessins s’appauvrissaient en détails et relief. Par conséquent le progrès technique et technologique éloigne l’Homme d’une certaine liberté de corps et d’esprit qui tient de son essence.
Ainsi nous comprenons que différents types de progrès peuvent être en constante contraction, comme cela peut être le cas du progrès médical et spirituel dans la polémique du clonage par exemple. L’évolution du progrès peut s’avérer être contreproductif pour l’évolution de l’Humanité, c’est pourquoi son efficacité doit être relativisée. Un progrès n’est-il pas réel lorsque les retombées sont les mêmes pour tous ?
En somme, la fonction, l’efficacité et les conséquences du progrès nécessitent d’être relativisées. Les différents types de progrès ne permettent pas tous le progrès moral ; ils peuvent même freiner le développement humain. Le progrès humain, issu du progrès moral, (d’un point de vue qualitatif) qui devrait être le résultat de tous les autres progrès ; n’est autre qu’un mythe. Toutefois, le progrès quantitatif est indéniable, étant étroitement lié à l’existence de l’Homme.
II.
Dans un second temps, le progrès n’est pas un mythe mais une réalité, il accompagne l’évolution de l’Homme, marquant une rupture avec le passé. Tout d’abord, le progrès est une spécificité humaine. Rousseau définit l’Homme comme étant perfectible. Du latin perfectus qui signifie parfait, la perfectibilité est le caractère de tout ce qui est susceptible d’être amélioré afin d’atteindre le plus haut degré de l’échelle des valeurs soit la perfection. Ainsi, il est dans l’essence de l’Homme de rechercher le développement de sa raison, afin de sortir de son état de nature. L’Homme se distingue de l’animal (non conditionné par l’Homme), qui est incapable de progresser ou alors de s’améliorer.
Puis, pour progresser, l’Homme va agir sur la nature pour la modifier, et ainsi prendre des risques. Selon le philosophe français GUYAU, l’Homme a une « prédisposition naturelle » à prendre des risques. L’Homme développe un instinct pour le risque qui lui est propre. Contrairement aux animaux, il peut mesurer l’ampleur des conséquences de sa prise de risque et de cette façon, il peut décider à l’aide de sa raison, s’il prend ce risque ou non. En somme, l’Homme, dicté par sa nature, est poussé à progresser et à inciter le progrès
Ensuite, le progrès est inséparable de l’évolution de l’Homme. Son origine reste indéterminée. En effet, pour certains, le progrès est né lorsque les Hommes Préhistoriques ont découvert le feu : sa domestication par l’Homme a permis de nombreux progrès. Quant au dramaturge grec ESCHYLE (460 avant Jésus Christ), il attribue le progrès des techniques et des sciences de façon mythique, à Prométhée, qui vola le feu aux Dieux pour l’apporter à l’humanité. Punis par les divinités, Prométhée fut enchaîné au sommet du Mont Caucase, condamné à se faire dévorer le foie quotidiennement par un rapace. Le progrès serait ainsi né d’un sacrilège, alliant bienfait et châtiment éternel. Parmi toutes les découvertes qui se succèderont à travers les siècles, aucune de ces innovations ne s’est défait de cette ambivalence opposant le bien au mal, le bonheur au malheur.
De plus, nous devons souligner qu’avant le XVIème siècle, les Hommes n’avaient pas pour intention le progrès, ils n’en n’avaient pas saisi l’importance. Cette idée de progrès est née lors de la Renaissance qui se voulait rompre avec le Moyen Age. Depuis, les progrès ont ponctués la vie des Hommes, de l’invention de l’imprimerie par GUTENBERG au XVème siècle, en passant par la commercialisation du premier rouge à lèvres en 1840, mais aussi l’invention de la bombe atomique en 1945. Le progrès est permanant, ce qui fit dire à l’économiste français Alfred SAUVY « L’humanité est voué au progrès à perpétuité ». Sous cette tournure, la phrase semble sous-entendre que l’Homme est passif, il est impuissant face au progrès. L’Homme ne peut contrôler les progrès, ou bien même les ralentir : étant quelques fois provoqués involontairement, l’Homme ne peut maîtriser l’ampleur de ses découvertes.
Par conséquent, le progrès est indéniable, causant son lot de bonheur et de peines. Il trouve sa source dans la nature de l’Homme, et en ce sens l’Humanité ne peut freiner le progrès.
III.
Enfin, le mythe du progrès est destiné à rassurer les hommes de par son rôle dans l’existence des Hommes.Premièrement, le mythe a un rôle prééminent dans la conscience collective. En effet, l’opinion se rattache aux mythes car cela la dispense de réfléchir. A l’aide de l’imagination, le mythe donne une interprétation de la réalité, ce qui permet de combler le vide des angoisses éternelles des Hommes. De ce fait, le mythe rassure les Hommes, il leur fournit une explication, comme une valeur sûre, sur laquelle ils peuvent se reposer. Le mythe est devenu un élément culturel, les Hommes l’écoutent, l’alimentent, sans forcément y croire. C’est le cas des personnes qui écoutent leur horoscope le matin : la plupart n’y croient pas, et pourtant cela leur plaît de donner une explication irrationnelle à leurs vies. Le mythe explique l’inexplicable et c’est en ce sens qu’il rassure les Hommes dans leurs existences. Il leur offre également la possibilité de fuir leurs conditions respectives en leur changeant les idées. En l’espace de quelques instants, les Hommes oublient leur quotidien et se plongent dans un monde imaginaire. Quelques fois ce monde fantaisiste peut permettre aux Hommes de trouver des solutions à leurs problèmes, de donner un sens à leur vie. En effet, les mythes sont porteurs de messages de sagesse, ils inculquent une leçon de bien et de mal et par conséquent ils encouragent les Hommes à développer leur conscience morale.
Ensuite, Les sociétés contemporaines sont caractérisées par une forte croyance au progrès. L’Homme fuyant la stagnation de son univers croît en une progression perpétuelle, telle un impératif catégorique. Puis, l’idée de progrès donne à l’Homme une sensation de supériorité, non seulement à l’égard des animaux, mais surtout de ses prédécesseurs. En effet, d’un point de vue matériel, l’amélioration des conditions de vie des Hommes est incontestable, il vit mieux qu’il y a un siècle. Mais se sent-il mieux intérieurement, d’un point de vue spirituel et moral ? Cet aspect-là du progrès est décrié de part et d’autre des conservateurs et progressistes.
Cette croyance au progrès que l’on peut appeler le mythe du progrès correspond à la conviction de l’Humanité de la nécessité d’un progrès intemporel et sans limites. En effet, s’il est erroné d’affirmer un progrès de l’histoire de l’humanité tout entière, si l’on ne peut en aucun cas prévoir le sens de l’histoire, on peut vouloir le progrès de l’histoire. Cette volonté est la dimension de l’espoir de l’Humanité. Toutefois, cette croyance absolue au mythe du progrès, peut faire disparaître le progrès. Etre convaincu que nous progressons continuellement peut nous dispenser d’exiger, de participer et de réaliser de réels progrès. Ce n’est pas en se disant que nous vivons sous le signe du progrès que nous progresserons. C’est pourquoi il est primordial d’agir pour la collectivité, et non de se reposer sur celle-ci.
Conclusion
En conclusion, l’étude de cette question nous a montré que le progrès ne peut être vu comme un mythe que si l’on remet en question son efficacité et les conséquences qu’il engendre dans la vie des Hommes. Tout progrès doit-il viser le progrès moral ? Néanmoins, d’un point de vue quantitatif, le progrès est incontestable. Les Hommes sont porteurs de progrès depuis le début de leur existence sur Terre, c’est pourquoi il leur est impossible de ne pas rechercher le progrès. Même si celui-ci n’est pas volontaire, les Hommes ne peuvent retarder ou bien même freiner le progrès car il est lié à l’évolution de l’Homme. Ensuite, les Hommes se raccrochent à ce que l’on peut appeler le mythe du progrès, qui est une croyance en un progrès perpétuel. Ils ont l’espoir de progresser dans le temps, que ce soit d’un point de vue moral ou même matériel. Par ailleurs le progrès n’est-il pas la cause des maux de la société ? Ne corrompt-il pas la nature de l'homme, tout en s’opposant aux lois qui gouvernent l'ordre naturel ?
"Le mot progrès n'aura aucun sens tant qu'il y aura des enfants malheureux." A. EINSTEIN.