Il faut faire la distinction entre croire et savoir :
Croire a le plus souvent le sens d’avoir une opinion. La croyance naturelle se distingue de la foi qui est l’adhésion de l’esprit à des vérités non connues de la raison. C’est un état qui se situe entre le doute et la certitude. On reconnaît comme vrai quelque chose qui n’est que probable. Cela peut aussi être le résultat d’une habitude, d’une série d’expériences qui nous conduisent à attendre ce qui aura lieu dans des conditions similaires.
Savoir suppose au contraire d’avoir la certitude que ce qui est reconnu comme vrai l’est nécessairement.
La croyance peut recevoir une valeur positive et négative : en tant qu’opinion incertaine, croire est une faiblesse au regard du savoir qui implique un effort rationnel mais en tant qu’acte de foi, croire est une force puisque la conviction est soutenue par un investissement personnel.
La faiblesse permet de rendre compte d’un certain type de croyance : celui qui croit est victime d’illusions, de préjugés ou d’opinions car il n’a pas la volonté pour exercer son esprit critique et sa raison. Pourtant, croire, peut aussi impliquer la volonté de celui qui croit. La croyance n’est pas seulement subie mais elle semble d’une certaine façon produite. Dès lors, est-ce faiblesse que de croire ou bien peut-on soutenir que croire implique un investissement ferme et volontaire du sujet ?
Croire peut être une faiblesse si la croyance est irrationnelle.
Des croyances peuvent être irrationnelles si, selon Hume, elles ne sont pas fondées sur des raisons ou ne reposent pas sur un raisonnement valide. Dans un raisonnement qui va du particulier au général par exemple. Logiquement, il n’est pas valide. Ce n’est pas parce qu’on a toujours vu quelque chose, parce qu’on a l’habitude de quelque chose, que cette chose va se reproduire infailliblement. Nous n’avons donc, apparemment, pas de bonnes raisons d’avoir cette croyance. Elle est donc irrationnelle.
Une croyance peut être aussi irrationnelle dans le cas des superstitions. Dans ce cas, la croyance est dite irrationnelle parce qu’elle est absurde, et parce qu’elle s’oppose à la raison. En effet, les superstitions impliquent une croyance dans des forces invisibles et inconnues qui peuvent être influencées par des objets et des rites. La croyance est donc négative et irrationnelle du fait qu’elle est basée sur un savoir insuffisamment fondé.
On a dit que croire consistait à affirmer la vérité d’une chose ou d’une proposition en l’absence de certitude attestée par l’existence d’une preuve.
On pourrait soutenir que le fait de continuer à croire malgré l’absence de preuve est une forme de courage et c’est en quelque sorte le cas, mais il ne faut pas confondre opiniâtreté et véritable travail de la raison. En effet, si croire est si souvent déprécié dans le domaine de la science et de la connaissance, c’est que l’ont n’admet pas que cette absence de preuve ne puisse pas être comblée par la raison. Autrement dit, la croyance marque une démission de la raison et croire serait une sorte de paresse et de lâcheté.
De plus, le croyant, dans le domaine des sciences, est victime de son attachement à la sensibilité. Et les sophistes le savaient bien. Ils usaient de leur capacité à persuader sur un sujet dont ils ne savaient parfois rien. Les sophistes étaient très bons pour flatter les sens afin de faire naître la croyance, c’est-à-dire de gagner la confiance de leurs auditeurs. En effet, la confiance est importante, car dans la vie de tous les jours, lorsque quelqu’un nous parle, nous le croyons, c’est une question de confiance entre personnes. Or, nous pouvons avoir confiance en quelqu’un et pourtant être trompés par cette même personne. Mais comment les sophistes pouvaient-ils gagner la confiance des auditeurs ?
L’esprit adhère spontanément à ce qui frappe l’affectivité, à ce qui l’impressionne. La sensibilité rend confus ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas et elle est ainsi cause d’erreurs et d’illusions. Les sophistes misent donc sur les sentiments de leurs auditeurs afin de les convaincre.
Pour pouvoir atteindre la vérité, il faut donc pouvoir se détacher de son corps puisque la vérité ne peut être saisie que par l\'esprit lui-même. On peut donc parfois préférer la facilité de la croyance qui est conforme aux plaisirs.
Croire est une faiblesse pour autant que la force est du côté de la rationalité qui implique la volonté de penser par soi-même et le détachement vis-à-vis de la sensibilité.
Cependant, on a rapidement dit que croire supposait un minimum de courage : tenir une chose pour vraie en l’absence de preuve, implique que le sujet ne relâche pas son adhésion, qu’il « tienne bon ». N’est-ce pas une forme de force ?
Croire n’engagerait-il pas la volonté du sujet ? La croyance n’est-elle pas toujours implicitement consentie et en cela produite par le sujet qui croit ?
Si l’on ne croit plus en rien, c’est que l’on n’a plus aucun espoir ni rêve. Or est-ce possible ? Ce n’est pas envisageable. Le célèbre dicton qui dit « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » est ancrée au fond de nous-mêmes. C’est donc qu’il y aura toujours des croyances dans l’esprit des gens.
De plus, un croyant est-il pour autant faible si être faible c’est manquer de détermination ? Car avoir la foi peut aussi s’avérer une force car la religion confère aux gens des principes importants et positifs comme l’amour, le respect ou encore la solidarité.
Ensuite, la foi est par définition l’adhésion de l’esprit à des vérités qui ne sont pas connues par la raison. Il faut donc avoir une grande force d’âme pour adhérer à quelque chose quand il n’y a aucune preuve.
Dans le domaine de l’action, rester indécis sous prétexte que croire n’est pas savoir est une faiblesse. Par exemple, si je décide de déclencher une guerre, il faut que je crois que je remporterais la victoire puisque la guerre peut être ou non remportée par mon armée. Autrement dit, décider d’agir implique de croire à la pertinence de sa décision puisque toute décision a lieu sur fond d’incertitude. Je ne vais pas me lancer dans une guerre que je suis sûr de perdre.
Croire n’est donc pas qu’une faiblesse : celui qui croit fait preuve de volonté, de détermination et de persévérance et en cela, il déjoue l’incertitude relative aux propositions portant sur l’avenir, sur ce qui n’est que probable.
On voit donc que croire peut être à la fois, faiblesse et force selon que l’on pense la croyance relativement à l’opinion ou relativement à la foi. En effet, dans un premier cas, l’opinion tire la croyance du côté de la faiblesse, et donc contribue à justifier l’estimation de la valeur qu’on lui attribue et dans le second cas, la foi au sens large de confiance fait gagner à la croyance un surplus de sens et de valeur.
Cependant, l’opinion et la foi sont des concepts dont la valeur est aussi variable. Par exemple, le croyant peut être vu comme un superstitieux aux yeux de quelqu’un qui ne croit pas. Donc la force ou la faiblesse sont tributaires des changements de sens que connaissent les notions d’opinion et de foi.