Introduction
Sens
des termes
Peut-on :
a)
possibilité physique/réelle : est-ce possible,
ou est-ce impossible au sens où ce serait absurde de le dire ?
(la nature ontologique de l'histoire le permet-elle?) ;
b)
a-t-on le droit : est-ce moral ou immoral de dire ça ?
L’histoire :
a)
devenir historique de l’humanité ;
b)
connaissance de ce devenir par l’historien.
Juger :
a)
critiquer, discerner, porter un jugement de valeur sur quelque chose :
je trouve que c’est bien,que ce n’est pas bien ;
c’est intéressant ou non, c’est pertinent ou pas,
etc. ;
b)
le juge au tribunal : jugement de droit, qui est destiné
à sanctionner une mauvaise action (et éventuellement
à récompenser les bonnes, cf. tribunal de Dieu, jugement
dernier) ;
c)
le jugement est encore une faculté de synthèse
Problématique
:
l'histoire
est-elle une entité réelle, ou bien n'existe-t-elle
que dans l'esprit de l'historien? C'est la réponse à
cette question qui déterminera la réponse au sujet.
Mise
en rapport des termes (qui donne naissance au questionnement)
:
I-
L'histoire comme tribunal du monde.
Le
sens le plus pertinent du terme de " juger ",
ici, est le sens b). En effet, quand on dit que l’histoire
jugera, on la compare à une sorte de tribunal, chargé
de sanctionner les mauvaises actions et de récompenser les
bonnes. De nous dire ce qui était bon/vrai dans les actions
ou pensées des hommes, et ce qui au contraire était
mal/ faux (sens c)).
Dès
lors, le sens du terme " histoire " au
premier abord le plus pertinent, est celui d’histoire comme
devenir réel de l’humanité. Plus encore, il faut
préciser qu’ici, c’est comme si l’histoire
elle-même était une entité à part.
Comment sinon dire qu’elle jugera ? I.e., qu’elle
est comme un juge au tribunal ? Pour dire cela, il faut donc
que l’histoire, non seulement soit une entité réelle,
mais aussi, qu’elle soit habilitée à porter des
jugements de valeur sur ce qui est arrivé, ou à garder
seulement ce qui était bien, voire encore à sanctifier
le mal, et le changer en bien. L’histoire aurait alors en elle
une norme morale (dire que l’histoire jugera c’est dire
que l’histoire nous dira ce qui était vrai ou bien dans
le passé, qu’elle va garder seulement ça)
Dans
le développement, préciser que si l'histoire est capable
de juger, c'est qu'elle a en elle de quoi le faire (sinon, c'est
une faute de logique, qui revient à confondre devoir-être
et être); cela, parce qu'elle est identifiée soit à
Dieu (théologie de l'histoire) soit à la Raison. Dans
le premier cas, on a une entité extérieure à
l'histoire, qui la "modèle" donc du dehors. Dans le deuxième,
on a au contraire une entité immanente à l'histoire…
Le
plan de cette première partie sera donc le suivant :
A-
La théologie de l'histoire (et le jugement dernier)
Ici,
il faut montrer que le problème d'une telle thèse,
c'est que c'est Dieu, entité extérieure à l'histoire,
qui jugera (les actes des hommes), et non l'histoire à proprement
parler.
B-
La philosophie de l'histoire de Hegel
Ici,
c'est la Raison qui jugera; c'est bien l'histoire qui jugera.
II-
Critiques des possibilités à la fois physique et morale
de cette affirmation ; en quoi elles se rejoignent.
A-
Impossibilité d'une telle affirmation
Or,
peut-on dire que l’histoire jugera, i.e., est-ce possible ?
N’est-il
pas au contraire absurde de croire que l’histoire serait une
entité réelle, serait un être existant ?
Ou
alors, il faut croire en Dieu ou en la Raison. Or, pas de preuve.
C'est un discours trop religieux ou métaphysique. Cf. critique
des discours métaphysique et religieux par A. Comte
B-
Impossibilité morale
Mais
encore, est-ce moral ou au contraire immoral de dire que
l’histoire jugera ?
D’abord,
cela ne mènerait-il pas au bout du compte à justifier
tout le mal qui arrive dans le monde ? (I.e. : on ne peut
dire, nous les hommes, que quelque chose est mal ou bien, il faut
attendre la fin des temps : peut-être verra-t-on que
ce qu’on trouvait mal était en fait bien, ou a mené
à la réalisation du bien).
Ensuite, faute logique : que quelque chose soit arrivé,
soit " entré dans l’histoire ",
n’entraîne pas, ne signifie pas, que cette chose doit
être, est de l’ordre de la vérité ou de
la morale/du droit. Même si cette affirmation suppose bien
entendu que seul ce que l’histoire juge digne d’être
gardé, est vrai ou alors bien, cela suppose quand même
que quelque chose …
C-
Les points communs de ces deux objections
Ici,
c’est donc à une réflexion sur la valeur, non
seulement ontologique mais aussi morale des philosophies de l'histoire
(pour lesquelles l'histoire a un sens), que nous convie le sujet.
Elles rejettent à la fois l' histoire et liberté
des hommes (ce ne sont pas les hommes qui font l'histoire, etc.)
D'où
la question de savoir finalement qu'est-ce que l'histoire; seule
une réponse à cette question nous permettra de répondre
à la question initiale.
III-
La subjectivité du jugement de l’historien.
En
réfléchissant avec les historiens contemporains sur
cette question, nous allons voir que l'histoire ne peut "juger",
et ce, essentiellement.
A-
La notion de champ événementiel (P. Veyne)
–critique
de l’Historie : elle n’existe pas (car pas d'unique
itinéraire).
Je
vous renvoie au cours sur l'histoire (cf. texte de Paul Veyne).
B-
Qui juge? -L'historien !
Si
l’histoire au sens a) ne peut juger, et si de toute façon
n’existe pas, c’est l’histoire au sens b) qui juge
ou jugera –i.e., un historien ? Or, de quel droit
le ferait-il ? Cf. différences d’époque ;
c’est un homme qui alors devrait avoir un pouvoir absolu, une
vision des phénomènes complètement synthétique (il
faudrait se situer à la fin des temps - mais alors, de nouveau,
plus d'histoire!).
Ce
serait un jugement de valeur, mais pas un jugement objectif. Ca,
l’histoire au second sens du terme le fait inévitablement.
Mais c’est en général au détriment de
la connaissance historique. Normalement, l’histoire ou l’historien
n’a pas à juger car il doit seulement chercher à
connaître.
Conclusion :
L’historien
juge le devenir de l’humanité, il lui attribue souvent
un sens, une direction. Mais nul fait historique, du fait qu’il
est, ne peut être capable de " juger "
que ce qui est arrivé devait être.
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